28/06/2012

Souleymane Cisse: entraîneur de football, volontaire à l'ASCJ de Félix Pyat




Voilà 21 ans qu'il trace sa route à bonne foulées, et ça sur plus d'un terrain de jeu, Souleymane Cissé. Cette année (2012), en parallèle d'une L2 en mathématique-informatique à l'université de Marseille Saint-Charles, il effectue un service civique auprès d'Une Terre Culturelle. Mais ce n'est pas directement dans nos locaux qu'il donne de son énergie, non, c'est à l'ASCJ Félix Pyat, en tant qu'entraîneur de football.

Trois ou quatre jours par semaine, il dédie du temps à l'ASCJ Félix Pyat, c'est-à-dire l'Association Sportive et Culturelle de Jeunesse située à Félix Pyat, un quartier péricentral de Marseille lové entre celui d'Arenc et de la Belle-de-Mai. Le centre, principalement connu dans le landerneau pour ses activités footballistiques (et avec raison, vu les résultats du club et le nombre d'inscrits) poursuit néanmoins d'autres visées, et notamment celles d'animation et de densification du maillage social local. 

C'est aussi là que nous avons pu faire la formation aux premiers secours en mars dernier (voir article s/blog)! 

Avec Sébastien Munoz, également volontaire à UTC et entraîneur, Souleymane s'occupe des jeunes footballeurs (de U11 à U15) et travaille sur plus d'une facette de la balle! Il planifie les entraînement, il les brief et les motive, les canalise...il les emmène et les guide aux tournois, il les assiste et les aide à épanouir leurs talents pour les épreuves de "repérage", ces jours où les gros poissons des grands clubs cherche le fretin prometteur. Une chance! De quoi taper du pied, mais avec bon pied bon œil.

L'entraîneur entraîné

Cette chance, Souleymane l'a tentée lui aussi, et d'un pays à l'autre. Né à Dakar en 1991, il se passionne très jeune pour le foot. D'abord il joue avec ses amis dans la rue, puis dans de petites écoles de foot où se réalisent pendant l'été des tournois interquartiers (tiens, tiens...!). Bien qu'inscrit avec sa sœur à des cours de judos -une idée de parents, vous voyez- il troque le tatami pour le terrain à leur insu, laissant à mlle bonne conscience le soin d'y aller pour deux, et bien sûr d'en revenir sans mot dire...
De ces amis des premiers temps, il garde contact, et cela d'autant plus qu'avec certains le parcours fut comparable: c'est avant tout le dilemme études-football, sérieux-passion, perspectives-risques. L'envie aussi de partir en France pour augmenter ses chances de reconnaissance. "A 15 ans! non, tu es trop jeune, il y a trop de tentations tu vas te perdre!" disent les parents. Alors c'est non, il ne part pas. Mais à 18, le bac scientifique en poche, il trace d'un trait vers l'hexagone pour les études - il faudra s'y tenir à carreau!- mais avec en tête le ballon rond. 


La France, dans quel but?


2009, fin de l'été, voilà Paris. Une tante qui y habite l'accueille. Paris, "trop jolie", une semaine de découverte. Puis vient la rentrée, et le départ pour Béthune, dans le Nord, où il entre en IUT Réseau et Télécommunication via le programme "Campus France". Il y intègre également l'équipe de foot. Pourquoi Béthune direz-vous? Parce que non loin, il y a le club de Lens, et parce que si l'on s'entraîne assez dur, si l'on joue avec assez de talent, si l'on noue assez de contact, il y a comme qui dirait, des ouvertures...


A Béthune, il partage la turne avec un compatriote sénégalais, un copain de longue date. Ça aide à passer les coups durs, le changement d'athmosphère, le froid, le gris, la pluie, les maisons fermées à 17h et la bouche de l'enfant qui relaie, comme le regard des gens, "maman, t'as vu, c'est un noir". Qu'il le veuille ou non, en ayant fait le choix de vivre à l'étranger, de sortir du lot, il faut assurer cette position de communication, assumer son accent, sa différence culturelle, la valoriser, ouvrir, éduquer. "J'avais la pétoche au début, j'hésitais à parler français, le wolof étant ma langue maternelle". L'étape a été franchie cependant, et l'assurance d'une légitimité - être soi-même, et à juste titre- s'est ancrée.

La passion du foot demeure, elle concentre et relance les aspirations - "J'ai vu le terrain de foot, et j'ai tout oublié". Version moderne d'Antée, ce géant mythique qui retrouve toute sa force dès qu'il touche la terre? Il y a de ça.


Le tiraillement entre foot et études gagne en tension cependant, et les résultats attendus ne sont pas exactement au rendez-vous. Malgré quelques succès (pris en CFA2 au premier essai et entrée au club d'Arras FA), Souley comme beaucoup, décide de passer la balle et de se consacrer à l'obtention d'un DUT, Diplôme Universitaire Technologique.


Cette décision responsable mais dure à prendre se voit peu après entérinée par un accident: match amical, fracture de la cheville, fin des espérances.


Volontairement Marseille 


Voilà Marseille! Port d'attache et d'attachement, ville cosmopolite, l'OM bien sûr, et le soleil retrouvé. Le goût du foot entre-temps ne lui a pas passé, mais il doit être métamorphosé. Via internet, Souleymane découvre notre offre de mission service civique pour un entraîneur de foot. C'est entendu, il aime guider, entraîner, et question niveau, il a tous les atouts. Cette activité nouvelle lui permet de découvrir le coaching et de s'y épanouir. 




"Le coaching, je n'y avais jamais pensé comme projet, mais quand je suis arrivé sur le terrain, c'était comme si j'avais fait ça dix ans. Je vais continuer, c'est sûr. J'aime aider les jeunes à réussir dans leur vie, leur apprendre à faire un bon calcul, à progresser, et si possible, les faire devenir pro". 


Malgré un emploi du temps toujours chargé, son parcours s'harmonise peu à peu et relie ses points. Après la licence, une spécialité "probabilité et statistique" dans un département "économie et trading" est envisageable, avec en parallèle le diplôme d'entraîneur-coach senior. CQFD, une alchimie est possible.



Un parcours interculturel :

Il se dit casanier, c'est dur à penser. Un fils à maman? Peut-être un peu oui, ils s'appellent tous les jours. Mais déjà un parcours: Dakar-Béthune-Lille-Lens-Marseille...et par la suite "j'aimerai bien aller aux Etats-Unis". Ah! il faut dire aussi que le répondeur du Mr Cissé est bilingue, français-anglais, prêt à accueillir les offres de tout bookmaker (!). Interculturel? Il commence a en avoir vu des réalités Souleymane, et il a des arguments de comparaison. Que ce soit la conduite des jeunes aux entraînements, "en France, ils t'insultent plus facilement" ou les pratiques sociales quotidiennes "au bled, on s'invite à manger de soi-même, pas besoin d'appeler avant de passer". Il possède en lui la mémoire des villes fréquentées, la différence Nord-Sud, sans regard péjoratif pour les deux; et sa langue même s'est changée. Aura-t-il remarqué qu'il glisse parfois dans la conversation un "ou bien" qui détonne ch'nord? Trois ans maintenant qu'il vit en France, ni en touriste, ni en nonchalant, mais bien conscient des enjeux de son parcours, du lien qui l'unit à sa famille et des exigences qu'il se doit d'avoir pour elle.


Souleymane termine cet été son service civique auprès d'UTC et de l'ASCJ, nous ne manquerons pas de lui être reconnaissant pour son investissement, heureux de suivre son évolution, sûrs que les jeunes qu'il aura entraîné ne le laisseront pas de sitôt, et espérant sereinement que son expérience lui aura été profitable à long terme!


G. Tamalet