20/11/2015

Entretien avec Marion, Volontaire en SVE en Turquie



Pourquoi as-tu décidé de faire un SVE ? Pourquoi la Turquie ? 

J'avais dans l'idée de faire un SVE depuis plusieurs années. L'année dernière, il était prévu que j'en fasse un à Ankara, mais malheureusement le projet a été approuvé avec 5 mois de retard et je n'ai pas eu le choix que de me retourner vers autre chose.

J'ai rencontré les partenaires d'UPEGEM à Marseille en février, lors d'un forum mobilité pour les jeunes organisé par UTC. J'étais alors en Service Civique dans une association similaire, c'est donc pour cela que j'étais présente. On a eu l'occasion d'échanger et comme j'avais quelques bases de turc, la Présidente de l'association m'a directement proposé de venir à Izmir!

La Turquie est devenue une évidence pour moi...car je suis mariée avec un turc, tout simplement! Je ne connaissais rien de la Turquie avant cette relation, je l'admets, mais après plusieurs allers-venues, j'ai voulu tenter une expérience sur le long-terme. Je suis ravie de finalement pouvoir effectuer ce SVE à Izmir, c'est une ville magnifique, suffisamment occidentalisée pour que je me sente pas perdue, mais avec tout ce que la cuture turque a de meilleur!


Pourrais-tu nous présenter l'association où tu effectues ton SVE, et quelles y sont tes missions ?

J'effectue mon SVE au sein de l'association UPEGEM, une association qui informe les jeunes des différents types de mobilité possibles avec le programme Erasmus+, qui organise des échanges de jeunes, mais aussi des chantiers.

Je n'ai pas de mission au sein de l'association elle-même, puisqu'elle n'est composée que de deux personnes qui se sont réparties les tâches et n'ont pas vraiment besoin d'un soutien. En revanche, elles ont crée pour moi des cours d'anglais au sein de l'association (que je donne plusieurs fois par semaine). En parallèle je suis aussi volontaire à TEGV, une fondation présente dans toute la Turquie qui propose des ateliers après l'école aux enfants de l'enseignement primaire et secondaires, pour leur permettre d'avoir un soutien dans des matières primordiales (mathématique, turc ..) mais aussi d'élargir leurs horizons (arts plastiques, musique...). J'y donne des cours de français et d'anglais avec des petits de 7 ans et c'est un vrai plaisir!


Que t'apporte cette expérience pour l'instant ? 

Pleins de choses! J'ai l'occasion d'enseigner le français et l'anglais à des groupes de gens très différents. Je compte m'orienter vers l'enseignement du français plus tard et c'est une fabuleuse expérience de pouvoir apprendre et développer des techniques dans ce SVE.

J'apprends aussi beaucoup des personnes à qui j'enseigne, car je fais l'intégralité des cours en turc, et forcément c'est formateur d'essayer d'enseigner la grammaire anglaise à des débutants!

Je rencontre beaucoup de gens de catégories sociales et d'âges différents, ce qui me permet d'observer encore mieux ce qui se passe dans ce pays. 


Rencontres-tu des difficultés ?

La toute première bien sûr: la langue! Cela fait 2 ans que j'apprends le turc, et même si maintenant je réussis à m'exprimer, à avoir des conversations à peu près intéressantes et à survivre dans un supermarché, parfois je sature de ne comprendre rien à ce que les turcs racontent entre eux. La grande ironie de l'histoire est qu'ils ont une belle expression pour décrire cet état : fransız kalmak (rester français), qu'on pourrait traduire par „j'ai rien compris, c'est du chinois pour moi“ !

Je suis quelquefois attristée par l'attitude de nombreux turcs envers moi lorsqu'ils découvrent que je suis étrangère (et ce n'est pas facile à cacher). Je paie quasiment tout ce que j'achète plus cher que le prix normal, on me demande régulièrement si je suis Russe (ce qui n'est pas forcément très bien connoté dans ce pays malheureusement) et bien sûr j'ai droit à la curiosité malsaine de certains hommes. 


Penses tu renouveller cette expérience interculturelle par la suite dans un autre pays où continent ?

Il ne s'agit pas de ma première interculturelle (j'ai vécu en Allemagne avant, et il ne s'agit pas de mon premier voyage en Turquie), mais il est évident que je la renouvellerai!

Sur le long terme, j'espère pouvoir m'installer en Turquie (puisque je suis mariée à un turc, cela fait sens!), mais avant cela, je rêve de visiter le Maroc pour quelques semaines! Je ne pense en revanche pas que je repartirais pour plusieurs mois, car tout en appréciant découvrir un nouveau pays, culture, nouvelles personnes, je me rends compte que ce que j'apprécie le plus et de pouvoir établir de vraies et fortes relations sur le long terme. Et en 6 mois, c'est un petit peu court!


Quel est ton ressenti sur la société turque ?

Je pense que c'est une société qui avance à deux vitesses et c'est d'ailleurs ce qui a été démontré lors des dernières élections législatives (1er novembre 2015), avec le parti islamo-conservateur de l'AKP recevant 49,3% des votes. D'une part, une population très occidentalisée (dont les Smnyrniotes font partie), encline à voter pour les partis d'opposition (gauche, centre gauche), laïcs, fiers de la République Turque et fervent admirateurs que de son fondateur Atatürk. D'autre part, une population plus conservatrice et religieuse mais aussi plus nationaliste, que l'on retrouve dans l'Est du pays et dans le petites villes moins développées et moins ouvertes sur l'Europe.


Quel est ton regard sur la place de la femme en Turquie ? Comment le vis-tu là-bas en tant que femme, qui plus est occidentale ?

Comment je l'ai dit dans la question précédente, il n'y pas une Turquie ni une commune façon de penser. J'ai vécu l'année dernière à Ankara et j'y ai remarqué des comportements bien différents de ce que je vois ici à Izmir. Ici règne une certaine liberté, vestimentaire pour commencer mais aussi dans l'attitude des femmes. Elles se maquillent moins et ne portent que très peu de tissu l'été. A Ankara, cela serait totalement indécent et d'ailleurs inconcevable.

J'ai aussi observé un certain machisme chez les hommes. Je ne dirais pas chez tous, je n'en ferais pas une généralité, mais je pense qu'il s'agit d'une attitude propre aux pays méditerranéens. Les hommes se doivent de payer au restaurant, les hommes peuvent en venir aux mains si l'un daigne regarder la copine de l'autre etc... Venant de France, je ne comprends pas toujours ce qu'ils ont à prouver, mais j'apprécie d'être invitée à chaque fois que je vais au restaurant!

Je n'ai pas d'autres points de comparaison pour le moment car je n'ai pas encore eu la chance d'aller dans l'Est de la Turquie (et ce n'est pas le meilleur moment vu la situation politique régionale) et même si j'ai beaucoup partagé avec des citoyennes turques, je préfère ne raconter que ce que j'observe!


Projet soutenu par l'EACEA